Divorce : Une loi pour trois fois rien

Pas de polémique genre les déchaînés de la Manif pour tous, juste un peu de bonne information, genre : « que dit la loi, et pourquoi faut-il la changer ». Le droit du divorce donne le cadre permettant de régler toutes les situations, et j’étais hier très étonné d’entendre que l’on présentait comme de grandes évolutions ce qui existe dans la loi depuis plus de dix ans (la dernière grande réforme étant la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004), et qui est pratiqué au jour le jour. Ce tripatouillage des lois n’est pas bon.
divorce

1/ Les accords des époux

Nous sommes donc dans la procédure de divorce, et la l’article 254 du Code civil demande au juge de prendre en compte les accords des époux.
« Lors de l’audience prévue à l’article 252, le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

2/ Quelle mesure peut prendre le juge ?

« L’article 255 liste les mesures que le juge peut « notamment prendre ». Le tour d’horizon est large, et le juge peut statuer sur d’autres points si les époux en font la demande. Que peut apporter la loi ? Regardez que la médiation est en bonne place, et que la possibilité d’injonction de rencontrer un médiateur existe déjà.
« Le juge peut notamment :
« 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
« 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;
« 3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
« 4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;
« 5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;
« 6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;
« 7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;
« 8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
« 9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;
« 10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

3/ Comment on fait quand c’est chaud ?

Réponse avec l’article 257 :
« Le juge peut prendre, dès la requête initiale, des mesures d’urgence.
« Il peut, à ce titre, autoriser l’époux demandeur à résider séparément, s’il y a lieu avec ses enfants mineurs ».

4/ L’autorité parentale confisquée ?

Rien du tout ! Le principe est de longue date l’exercice commun de l’autorité parentale, comme l’énonce l’article 372
« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».
Et le divorce ne change rien, comme le dit aussi de longue date l’article 373-2 :
« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.
« Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».

5/ Les déménagements sans contrôle du juge ?

Pas du tout, comme le précise l’article 372, alinéa 4 :
« Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ».
Et imaginez bien que ce genre de situation est toujours urgente. Ambiance abominable à la maison, violences, opportunité de trouver un logement, peut-être de se rapprocher d’un travail… Dans les faits, les débats sont rudes, et la marge pour le juge est bien faible. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne va punir les enfants en les remettant au parent violent…
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6/ La loi ignore la résidence alternée…

La résidence alternée a toujours été une possibilité, appréciée par le juge en fonction des accords des parents, et l’article 373-2-9 la prévoit explicitement :
« En application des deux articles précédents, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
« A la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux ».

7/ Le juge statue sur des critères trop personnels ?

Dans ce cas, faites appel, car l’article 373-2-11 liste les critères que doit prendre en compte le juge.
« Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :
« 1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;
« 2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;
« 3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;
« 4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;
« 5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;
« 6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre ».

Voilà pour les principales dispositions. En soulignant deux choses.
Si les époux passent de bons accords, le juge les entérine. Donc, divorcez intelligemment, et tout se passera bien.

Si les époux sont très majoritairement d’accord pour que la résidence habituelle des enfants soit chez la mère, avec un droit de visite du père, n’accusez pas le juge de parti-pris alors qu’ils confortent les choix des parents.

Si les époux divorçant sont en désaccord sur tout, et conteste toute proposition de l’autre, la procédure sera longue, difficile et épuisante, mais aucune loi n’y changera rien.
Just-Divorced1

6 réflexions sur “Divorce : Une loi pour trois fois rien

  1. L’idée de la domiciliation double me parait une bonne idée pour responsabiliser les pères qui ne le sont pas et donner une reconnaissance aux autres,ce que ne font pas toujours les juges….Un juste équilibre des droits et devoirs,du couple parentale,replacerait l’enfant au centre des préoccupations…..trop souvent c’est l’aspect financier qui prend toute la place,alors que ce n’est qu’un moyen du a l’enfant par le couple géniteur…..

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  2. On n’est pas là sur un sujet simple…
    Je me souviens d’un état des choses très différent, les gens étaient certainement beaucoup plus patient que nous au début des années 1970, comme nous le sommes semble-t-il, infiniment plus que nos enfants ou les « ados » d’aujourd’hui. Aujourd’hui les jeunes gens se séparent à la vitesse « grand-V » dès le 1er conflit semble-t-il et…
    Maintenant, on en est réduit à peut-être entendre dire ce qui suit à des enfants, par une assistante sociale:
    -« Mon pauvre petit, donc tes parents n’ont pas encore divorcé? Pas même une seule fois?… » ;-))
    Je ne souviens que… Etant collégien, au temps du Pdt Pompidou, rares étaient parmi nous les enfants de divorcés et c’était un sujet de discussion, que tous les collégien(ne)s ne comprenaient pas, car sans aucune expérience de « ce genre d’histoire ». Je suppose, en ignorant les statistiques de l’époque, qu’on divorçait peu et que la justice n’acceptait « d’arranger » les choses, qu’avec résignation et résistance.
    Ils étaient plus patients que nous? Ou… Obligés de se supporter? Un peu des deux sans doute.
    En ces années 2000, on est sans doute dans les excès contraires…

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  3. Le billet dit : « Si les époux sont très majoritairement d’accord pour que la résidence habituelle des enfants soit chez la mère, avec un droit de visite du père, n’accusez pas le juge de parti-pris alors qu’ils confortent les choix des parents. »

    On peut se demander si ce choix est totalement libre, où s’il vient du fait que c’est la solution qui passe le plus facilement au tribunal.
    Il est bien facile de dire « les parents ont choisi » quand une des options est rendue plus difficile que l’autre par la justice.

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    • Pour l’avoir vécu,avant tout l’avocat m’a briffé sur ce que je pouvais demandé et obtenir,vu la position quasi permanente de la JAF,sur certaine latitude laissée par la loi …Donc ,des le départ l’auto limitation des demandes est de règle pour le père

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  4. Le tir de barrage de l’UMP a gagné… Faute de temps disponible, l’examen de la loi est reporté… et je pense que c’est pas demain la veille…
    Sur ce coup, l’UMP a vraiment fait de la gonflette, car cette loi était surtout insignifiante

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